Certains
signes ne trompent pas, et notre capacité à nous endormir dans la
rue, dans un taxi pendant la course, ou à peine montés dans le
train, quitte à se réveiller au milieu de la nuit ensuite, montre
bien que nous sommes fatigués. C'est vrai pour nous tous, et surtout
pour Séverine qui doit supporter le fardeau de l'organisation de
tous ces bagages qui nous encombrent.
Notre
alimentation est erratique, au gré des soupes ou assiettes de riz
que nous picorons sur un trottoir, sans beaucoup d’appétit, malgré
le plaisir que nous y prenons.
Sans
doute Bangkok est-elle pour beaucoup dans cet état de fatigue, car
après ce long voyage de 27 heures, nous avons trouvé une ville
grouillante, pétaradante et polluée. Certes, nous n'avons pas pris
le temps de nous poser, ce que nous espérons faire à Chiang Maï; à
peine levés, nous avons filé vers Kao San Road, « la rue des
routards ». On la trouve dans toutes les capitales parcourues
par les travellers. S'y trouvent les agences de voyages, les bars
trendies, les musiques actuelles, les salons de massages, les agents
de change, les marchands de souvenirs locaux, ici les imitations en
tout genre, et bien sur, la faune des backpackers. Ça permet de
prendre le pouls et de trouver en seul endroit une foule
d'informations. En nous éloignant un peu, nous pûmes trouver une
petite cantine de rue ou partager quelques plats avec les employés
du coin. Cela nous permit de connaître facilement les numéros des
bus qui nous permettraient de nous rendre au marché de Chatuchak. Il
est décrit comme l'un des plus grands et diversifié du monde par
le Lonely Planet. Et c'est sans doute vrai. On y trouve simplement de
tout. Et bondé, évidemment. Mais finalement de peu d'intérêt pour
de pauvres chalands n'ayant pas le souhait de dépenser un kopeck
afin de ne pas s'alourdir déjà !
Sans
doute était-ce une façon de rencontrer la démesure de cette ville,
avant tout marchande, apparemment.
Ce
soir là, nous trouvons un bon petit restaurant, chez Jenny, non loin
de la guesthouse, où nous dégustons de merveilleuses soupe et plats
de nouilles sautées. En les goûtant, nous nous rappelons que c'est
précisément l'une des raisons qui a motivée notre choix pour venir
ici. Sans parler de la profusion de fruits que l'on passe son temps à
grignoter, au hasard des roulottes qui les proposent dans la rue :
mangues, mangoustans, kakis, oranges, bananes, et j'en passe dont je
ne connais pas le nom.
Un
petit réveillon qui se termine par la livraison du Père Noël,
quelques pacotilles qui ravissent essentiellement Hortense.
Et
nous enchaînons par un réveil plutôt matinal avec l'ambition de
nous rendre à Ban Baht, un quartier qui réunit les quelques
artisans réalisant encore, selon un savoir faire traditionnel, les
bols à aumône des moines.
Bien
sur, c'est plus facile à dire qu'à faire quand on a pas encore ses
repères dans la ville. Mais après quelques péripéties, nous
finissons quand même par trouver un Tük tük qui nous y dépose. A
6 avec la poussette, on commence à y être vraiment serrés, mais ça
passe encore.
Toujours
est-il que le dimanche, c'est jour de repos et que nous resterons sur
notre curiosité. Nous reprenons donc notre route en nous faufilant
au hasard de petites ruelles, qui nous offrent un spectacle au moins
aussi prenant. C'est tout un entrelacs où se trame la vie populaire
de Bangkok, à ce qu'il nous semble. Là, dans ces venelles qui
dépassent rarement deux mètres de larges, les familles vivent et
travaillent ; parfois, nous tombons sur de petits marchés de
quartier et, devant leur étal quasi vide, les marchandes nous
regardent d'un air placide, avant de se raviser en posant leur regard
sur la poussette.
Hortense
avait raison de suggérer qu'à défaut de vrai bébé, on aurait pu
essayer le coup avec un baigneur, tant il est vrai que la présence
de Marguerite nous ouvre toutes les portes. Cela dit, nous avons
beaucoup de chance d'avoir une petite fille facile, qui accepte de se
laisser prendre dans d'autre bras que les nôtres, et qui a
suffisamment d'appétit pour accepter toutes sortes de nourritures.
Ainsi,
je pensais m'être perdu en cherchant la direction de Chinatown. Nous
avions finalement piétiné dans des sortes de vide-greniers avant
que je m'en remette à Saint Christophe. Alors que la troupe
parcourait un magasin rempli de milliers de pochettes, je fus abordé
par deux jeunes filles, sans doutes en pitié devant ce touriste
aveuglé par sa carte. Quelle ne fut pas ma surprise quand elle
m'expliquèrent que nous étions à l'entrée de Chinatown et
qu'elles allaient nous guider vers le restaurant de mon choix plutôt
que de se perdre dans des explications compliquées par un anglais
plus que sommaire. Nous rentrons dans un Chinatown qui, comme il se
doit, est encombré. Chaque parcelle de trottoir, même un dimanche
est occupé par un vendeur, si bien que nous préférons la chaussée
où nous sommes frolés par toute sorte de véhicules. Pour finir
cette longue course (trois heures de marche), le restaurant est
complet. En attendant, une marchande de beignets vapeur prend
Marguerite et la fait manger.
Les autres n'y tiennent plus et nous
terminons le contenu de sa marmite. Du coup, nous déclinons les
places qui viennent de se libérer au restaurant et nous repartons.
Les odeurs, le bruit et la cohue nous happent à nouveau. Les enfants
sont ereintés et nous bifurquons pour prendre un taxi dans lequel
nous nous entassons pour rentrer au Bamboo.
Il
ne nous reste qu'une heure avant de repartir vers la gare. Nous
quittons sans regret cette guesthouse au confort plus que sommaire.
L'apréhension se tourne maintenant vers notre logement à Chiang
Maï, loin d'être assuré après moultes vaines tentatives.
Après
une rapide collation au restaurant de la gare, nous montons dans le
train. Nous avosn pu changer nos billets pour trouver quatre places
dans le même compartiment. A peine installé, Théodore est déjà
endormi et les autres ne tardent pas.
Quant
à moi, après plusieurs heures de veille au petit matin, je serais
réveillé quinze minutes avant l'arrivée à Chiang Maï.