Delhi – Dharmsala – 6/7 janvier
Pour notre dernier jour à
Delhi, nous optons pour une excursion à Old Delhi. Nous devons
franchir le pont qui enjambe la gare. Là, nous nous retrouvons dans
Intra Muros. C'est le cœur historique de Delhi, que nous n'avons
fait qu'effleurer à notre arrivée. Aujourd'hui, nous optons pour
une orientation au juger vers la grande mosquée Jama Masjid. Nous
nous perdons immédiatement dans Sita Ram Bazar, au fil des ruelles
dont certaines ne dépassent pas un mètre de large.
Là, aucun
mendiant, si ce n'est un Sadhu en vadrouille ;
là, une ambiance
de village avec ses quartiers spécialisés, qui rappellent
l'organisation des grands souks, les touristes en moins. De fait,
nous n'en croisons aucun, et c'est à notre tour de devoir prendre la
pose pour être pris en photo à chaque coin de rue. Les rencontres
sont faciles et les échanges sans suspicion. Si nous nous arrêtons
pour acheter un morceau de goyave, il se trouve forcément quelqu'un
pour nous dire le prix que nous devons payer, au dam du vendeur ;
le seul marchandage de la matinée.
Après les fruits, nous demandons
pourtant à une pause plus longue et à une nourriture plus
roborative.
Au détour d'une venelle, nous assistons à la cuisson
des chapatis réalisés dans un four en terre, comme une grande jarre
chauffée par l'extérieure. On est surpris par l'adhérence de la
pâte défiant les lois de l'apesanteur. Séverine s'avance dans la
cuisine (qui donne sur la rue) pour essayer de saisir le mouvement,
et finalement, nous nous décidons pour cette cantine : au menu,
le traditionnel dhal curry (lentilles baignant dans une sauce au
curry) et un aloo ghobi (pommes de terre et choux fleurs épicés),
que l'on mange avec des chapatis, le tout servi à volonté.
Les derniers kilomètres
pour atteindre la mosquée sont éprouvants, en particulier sur
Chawari Bazar Road, dont la perspective nous offre les grands
minarets de Jama Masjid. La voie est encombrée de toutes sortes de
véhicules, d'échoppes et d'étals, le tout parcourue par une foule
qui s’entremêle à la circulation. Aussi, l'arrivée sur les
grands escaliers qui montent vers l'entrée de l'édifice nous offre
un répit que nous estimons bien mérité. D'ailleurs, à voir le
nombre de personnes allongées sur les grandes marches rouges, ou les
familles qui picorent après ou avant leurs visites, nous ne sommes
pas les seuls à vivre cette incursion comme un vrai soulagement.
Comme il nous reste
encore deux bonnes heures avant notre rendez-vous à l'hotel, nous
décidons de faire un crochet par Connaught Place, le centre
commerçant de la nouvelle Delhi, correspondant peu ou prou au
quartier de l'Etoile à Paris. L'occasion de visiter quelques
Emporiums, ces magasins d'Etat ou l'on trouve tout l'artisanat
indien, réparti pour chaque Etat de la fédération.
Nous retrouvons
finalement Pahar Gang, le quartier des routards. Nous sommes soulagés
à l'idée de quitter cette capitale polluée pour aller à la
rencontre d'une Inde moins submergée par le désir de modernité ;
ou en tout cas, le subissant un peu moins. Et apparemment, là nous
nous rendons, nous devrions trouver une vraie tranquillité, la
fraîcheur du climat ayant éloigné la faune hippie-yoga vers les
rivages de Goa pour un certain temps.
Cependant, il nous faut y
arriver et le trajet promet déjà quelque fatigue. Déjà, je dois
me mettre en colère pour que les agents en charge de collecter les
passagers nous emmènent jusqu'à l'arrêt du bus. Entassés avec nos
bagages dans deux rickshaws qui se perdent dans la circulation du
soir, sans véritablement savoir où ils doivent se rendre, nous
sommes déjà soulagés de nous retrouver sains et saufs. On nous
avait promis un bus de touristes, nous sommes finalement les seuls
« western people », signe des temps.
Passons sur les détails
habituels de ce genre de voyage : les arrêts tout au long de la
nuit, y compris bien entendu dans ces sortes de restaurants
d'autoroutes fréquentés essentiellement par les cars, abritant sous
des toits de taules ondulées, des dizaines de tables où l'on sert
une nourriture douteuse. D'ailleurs, on évite, en attendant la fin.
Passons sur les tronçons de route ressemblant plus à de la piste
et, pour cette fois-ci, à une fin difficile sur l'ascension des
contreforts montagneux. On passe sur les « vomiting bags »
qui se remplissent. Et on passe, quoique difficilement, sur
l'évidence des motivations qui vous poussent à prendre la route
dans ces conditions.
Alors, on sait que
l'arrivée sera périlleuse, ou qu'il vaut mieux s'y attendre pour
s'éviter trop de déconvenues. Car une nouvelle nuit blanche, ou
quasi, en quatre jours, ça vous pousse un organisme vers des formes
de fatigues assez extrêmes. Ne parlons pas non plus de Marguerite,
complètement déboussolée, de son sommeil, de son appétit et de
tous ses repères habituels.
Le bus s'arrête à 5h ce
matin dans une gare en béton. La sensation de froid est renforcée
par notre état hallucinatoire. Je pensais monter au centre de
MacLeod Gang à pieds, mais un regard sur la bande me fait comprendre
qu'il vaut mieux payer recta le taxi qui se présente à un tarif
prohibitif pour les deux km qui nous emmènent devant la guest house
sur laquelle nous avons jeté notre dévolu. Évidemment elle est
fermée.
Afin de nous réchauffer,
nous épaulons nos sacs et effectuons quelques pas pour nous
rapprocher de la place centrale, en quête d'un endroit ou nous
pourrions nous poser. Il ne faut pas espérer grand chose avant 8h,
soit plus de deux heures à attendre à moins de 5°c. Nous échouons
dans le petit hall d'un hotel, à peu près chauffé. Peu après,
nous partons avec Théodore pour repérer les lieux. Nous pénétrons
dans des guest houses seulement éclairées de leurs veilleuses,
soulevons le volet métallique d'un hotel à l'air abandonné... Le
soleil se lève et avec lui, nous découvrons un relief découpé
entouré de sommets enneigés. Nous y reviendrons.
De dépit, après avoir
soulevé des matelas plus que suspects, et suivi des intermédiaires
douteux, nous avons élu domicile dans une Guest gérée par les
moines. Nous couchons les enfants, avec le sentiment d'avoir déjà
fait une bonne journée : il n'est pas 10h ! Nous
poursuivons notre quête de la chambre idéale à « 2 balles ».
Nous sommes transis de froid.
Après réflexion, et 2
heures d'un sommeil réparateur, nous décidons de quitter nos
chambres pour l'Hotel Shambala, très central avec vue sur la
montagne, propre, pourvu d'une connexion wi-fi et d'un restaurant ou
nous pourrons aussi commencer nos activités scolaires. Inutile de
préciser que ici comme ailleurs, le chauffage est inexistant.
Heureusement, nous avons l'eau chaude.
Les devoirs ont ainsi été
fait à quatre sous la couette et nous sommes maintenant en
doudounes, bonnets tibétains en train d'attendre nos plats chauds.
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