Siem Reap, le 28 janvier.
Retour en arrière de trois jours.
Je pensais l'affaire bien ficelé. A la dernière minute, j'avais pu négocier un billet Kratié Siem Reap, via Skoon. Afin de diminuer le temps normal, d'environ 10 heures, j'avais trouvé un minibus pour Skoon, la ville de jonction pour remonter ensuite sur Siem Reap avec un bus normal. Ce montage devait nous faire gagner deux heures au moins.
Nous étions très loin de nous imaginer la journée qui s'annonçait.
Le minibus n'était pas affrété par l'agent auquel je m'étais adressé, c'était simplement un van qui faisait ce trajet au quotidien. Nous sommes à poste à 7h du matin pour monter dans le véhicule, en pensant nous envoler directement. En fait, nous nous retrouvons sur la place du marché, qui est aussi celle où se retrouvent ces taxis collectifs, qui attendent d'être à plein pour partir. S'énerver ne sert à rien, mais ça soulage un peu : je monte donc la voix de temps en temps pour lui rappeler que nous avons une "correspondance" à Skoon. Peu à peu, nous réalisons que les banquettes qui sont vendues pour 4 places constituent un minimum. Nous quittons finalement Kratié vers 9h, et le van compte déjà 22 passagers sur cinq rangées, en comprenant celle du conducteur. La conduite est sportive, et sur cette route qui longe encore le Mékong, nous croisons d'autres taxis collectifs qui sont autrement plus délabrés, aussi chargés, parfois avec des animaux, la porte arrière évidemment ouverte, et j'en passe.
Une heure après notre départ et après quelques arrêts supplémentaires - les gens lèvent le bras, on s'arrête, et ils montent en s'entassant - nous sommes alors 28 dans le van ! Nous sommes contraints au sourire de dépit, ou d'humour, c'est selon l'humeur !
Le moins que l'on puisse dire, c'est que nous arrivons quand même échaudés après cette première étape. Plus d'une heure de retard par rapport à notre estimation initiale, et, de fait, le bus que nous pensions prendre est non seulement passé, mais il apparaît qu'il n'y en aura pas d'autres avant plusieurs heures. Nous allons donc passer toute l'après midi, en plein cagnard, sur cette sorte d'aire d'autoroute, où les mouches s'envolent à chaque bus qui s'arrête pour sa pause. Le seul mendiant de l'endroit est un amputé, comme nous en rencontrons beaucoup, qui à sa table à coté de la notre, et qui nous renseigne au fil du temps, sur la destination de tous ces bus pourris et bondés.
L'attente est longue; les enfants vont et viennent, trouvent toujours quelque chose pour s'occuper, à observer, et je rend grâce de les voir conserver le moral dans cette situation. Ils comprennent naturellement maintenant qu'il faut savoir conserver son calme, s'adapter aux circonstances en considérant, en l'occurrence, que cette journée figurera au palmarès de l'expression du Voyage...
Même Marguerite supporte cela avec un certain flegme et réussit à sombrer dans une sieste de bon aloi, sur un lit de fortune
Le paysage est morne; le passage des véhicules soulève un nuage de poussière qui envahit tout et salit tout. La lourdeur de la chaleur anéantit l'énergie, les déchets laissés par tous ces voyageurs pèsent sur le moral.
De toute cette journée, nous n'apercevrons que quelques backpakers, sauf qu'aucun d'entre eux ne reste à attendre. "Sometimes you win, sometimes you loose..."
Lorsque notre bus arrive, en fin d'après midi, nous avons du mal à réaliser. Le correspondant de la compagnie, que nous avons harceler tout au long de cette attente, libère cinq sièges que nous avons payés au prix fort, et les pauvres cambodgiens qui n'avaient rien demandé se retrouvent dans l'allée centrale. Ici, pas de sacs à dos dans les soutes, ni dans le couloir, mais des oies, des paniers en osier, des sacs d'engrais remplis de denrées imaginaires, des tas de noix de coco. Nous entamons ainsi un trajet de cinq heures environ, qui passeront assez vite, au demeurant. L'ambiance est sympathique, marquée par la sérénité et la tranquillité des passagers. Assez curieusement, je me sens dans mon élément, goûtant comme il se doit un transport qui avance, des compagnons de voyages souriant et attentionnés, des visages et des postures qui rassasient encore ma curiosité. Edgar et Théodore font preuve d'une résistance à laquelle je ne m'attendais pas nécessairement. Je porte pour la première fois je crois Marguerite pendant la moitié du trajet et réalise concrètement la fatigue générée par ce poids, vivant ou inerte, et qu'a due supporter Séverine depuis le début. Hortense supporte elle aussi bravement ce moment, sachant qu'il lui faudra encore attendre avant de se retrouver au lit
Car, en arrivant à Siem Reap, vers 22h, soit 16h après notre réveil, il nous reste encore à trouver une guesthouse. Je ne négocie pas le seul tuk tuk que nous trouvons à la gare. Punthong est sympa, et il accepte sans broncher les allées et venues que je lui impose vers différentes adresses. Nous sommes entassés comme jamais, Edgar et Théodore allongés sur les sacs pour qu'ils ne tombent pas, la poussette nous broyant les jambes.
Le Smyley's GH a deux chambres de libre, il est près de 23h, et ils nous proposent de rouvrir la cuisine : super !
Je propose à notre tuk tuk de louer ses services pour les trois jours à venir, en prévision de la visite des temples d'Angkor. Rendez vous est fixé à 8h le lendemain; nous passerons à coté du lever de soleil, mais nous sommes trop fatigués pour faire mieux.
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