Luang
Prabang – 10 janvier
Les
journées sont bien remplies et fatiguantes. Nous sortons
relativement tôt, vers 8h, mais nous n'avons toujours pas assisté à
la procession des moines. Notre mise en route est encore un peu
lente. Nous effectuons ensuite notre tour du marché pour acheter
fruits et légumes de la journée et absorber notre soupe. Séverine
continue de préparer de délicieuses purées, mais Marguerite
préfère de loin se réserver pour picorer dans nos bols. Son
alimentation est devenue assez irrégulière de ce fait, et elle
prend l'habitude de se nourrir de n'importe quoi, n'importe quand.
Le
point d'orgue de ces dernières journées a été atteint lors d'une
marche dans les faubourgs de la ville, à la recherche d'un hameau
rassemblant plusieurs tisserands. Sur ces chemins de terre, nous
avons pu cotoyer des populations beaucoup moins favorisées que les
habitants du centre. Les métiers à tisser ne nous ont pas
passionné ; sans doute l'habitude ! La poussette a rendu
l'ame et nous allons devoir improviser une réparation si nous
voulons continuer à l'utiliser. En revanche, nous avons enfin jouer
nos premières parties de pétanques avec des locaux. Après la
période coloniale, c'est resté un sport très pratiqué. On voit
régulièrement des sortes de cafés restaurants avec un terrain
jouxtant la case. Pour nous, ça a été évidemment mémorable.
Après une matinée de marche, nous nous aprêtons à rentrer pour
déjeuner au Dyen Sabai, un
restaurant très accueillant du fait de sa cuisine, mais surtout par
ses tables basses entourées de matelas, au milieu d'une forêt de
bambous, surplombant la rivière Nam Kham. Arrivés à un croisement,
j'aperçois un homme qui ratisse consciencieusement son terrain de
pétanque, je l'interpelle pour prendre une photo. Le tableau me
plaît, avec le brasero sur lequel finit de cuire le riz gluant et
ses petits tabourets.
Nous rentrons. L'homme est réservé,
contrairement à sa femme et sa fille, qui amènent vers Marguerite
un petit garçon. Finalement, je propose une partie avec le jeune
homme, qui doit être le gendre du mâtre des lieux. On eut aimer
acheter quelque chose à partager, mais ils n'ont preque rien, et
surtout ne parlent pas un traître mot d'anglais. Nous allons passer
deux heures à goûter cette hospilatité sincère et joyeuse. Nous
jouons avec eux, et avec des enfants, qui se sont rapidement
attroupés au bord du terrain.
Bientôt
les filles ont faim, et ils partagent avec elle le riz gluant,
« sticky rice », qui constitue la base alimentaire des
laotiens. La préparation est relativement simple, ont met le riz
dans des panniers coniques, tressés en feuilles de bambou, qui sont
posés sur des marmites au dessus d'un brasero en terre,
éventuellement consolidé par une armature métallique. Il se mange
évidemment avec les doigts, la matière étant congruante.
Mais
il est bientôt temps de reprendre la route, et nous nous promettons
de chercher des boules de pétanque, qui constitueraient sans doute
un précieux présent pour cette famille, visiblement très pauvre.
Mais généreuse.
Auparavant
dans la matinée, nous avions sacrifié à l'un des rituels
touristiques de la ville : la visite de l'ancien palais royal.
La superficie de l'ensemble est restreinte, à l'image de la la
ville, n'excédant pas quatre hectares, dépendances comprises. Trois
édifices composent l'essentiel : le théâtre, la grande salle
du trone, qui ressemble à un Vat – un temple – et que nous
apercevons de notre chambre, pour finir par l'habitation.
L'ameublement et la décoration oscillent entre la couleur locale,
très chatoyante avec une prédominance de feuille d'or et de scènes
sculptées, et un ensemble art déco, voire très 50's, datant du
dernier roi. Une grande maison, avec de vastes pièces certes, mais
loin de nos palais royaux à la française. De fait, le Laos est un
petit royaume sans richesse. On le mesure aussi à la collection des
cadeaux reçus par le roi, très simples. On s'étonne de
l'interdiction de photographie d'une « collection de
voitures », en fait trois Lincoln, une DS (signe du passage
d'une vassalité à une autre) et un vieux Toyota BJ, devant lequel
trone un hors bord, hors d'age, offert par le Canada. Incongruité
d'un régime fermé qui rechigne à ce que les anciens signes royaux
soient rendus visibles. Heureusement, les talibans n'étaient pas
encore là, et toute la richesse architecturale a pu être préservée
au lieu d'être détruite purement et simplement.
Cette
visite provoque une sorte de nostalgie pour une époque désormais révolue. Même si, ici, la guerre a laissé des traces durables, la culture et une certaine simplicité, voire une proximité laissaient un goût d'aventure et de rêves.
Désormais, ils ne concernent plus que le business, ou peu s'en faut...
Il
ne faut pas oublier la classe. Le rythme est à peu près fixé à
deux trois heures par jour, matin ou après midi, en fonction de
l'emploi du temps et tous les jours. Nous sommes attablés sous la
véranda, qui donne sur le trottoir. Dans cette atmosphère
singulière, nous enfilons les chapitres de mathématique, de
physique, d'anglais, de français ou d'histoire. Il nous a fallu un
bon paquet d'exercices pour assimiler le fonctionnement des racines
carrées ou la distinction des propositions en français. Les
fractions et les tables de multiplication sont passées plus
facilement. Quoiqu'il en soit, si nous maintenons ce rythme, nous ne
devrions pas accuser trop de retards en rentrant.
En
franchissant la frontière nous sommes revenus à un pays ou
l'automobile est encore rare. On y cotoie plus de minibus et surtout
de Honda cube, ces motocyclettes qui ont régné en Asie du sud est
pendant des décennies. Aux heures de pointe, sur les routes ou à la
sortie des écoles, c'est encore sur ces engins que tout le monde se
rend au travail, à l'école, à trois ou quatre... L'allure est très
modérée, comme si rien ne pressait.
En milieu de soirée, devant
moi, alors que je tape sur mon clavier, j'entends surtout le bruit
des insectes dans le parc du palais, de l'autre coté de la route.
Les femmes se renvoient les commérages, de loin en loin. Les moteurs
quatre temps des hondas ou des tük tük qui pasent au ralenti
viennent rythmer la soirée qui s'écoule lentement, alors que les
touristes, anglos saxons pour la plupart vont et viennent. Le calme
règne. Ici, point de bars avec des sonos hurlantes et des vamps qui
vous accrochent, ni de frénésie d'achat. Les stands sont là ou pas
d'ailleurs. La description ne serait pas complète si je ne
mentionnais pas le bruit des claquettes.
Il
faudrait aussi faire allusion aux vélos, qui ont refait leur
apparition. Ils sont neufs, de fabrication chinoise ou de marque
américaine – mais fabriqués pas si loin. Ils sont aussi à
propulsion électrique. Et ils sont plébiscités par les touristes,
qui au moins dans les pays occidentaux, ont adopté ce moyen de
locomotion de façon courante, à ce qu'il semble.
Nous
avons décidé de lever le camp après demain. Nous devons encore
choisir entre l'option bus de nuit ou de jour, pour une bonne journée
de trajet. Direction Vientiane, en laissant de coté Vang Vien,
décidemment trop pollué par les hordes de jeunes australiens et
autres, venus là pour les « full moon parties ». Même
si le programme sportif est alléchant, il ne conviendra pas à toute
la meute.
Demain,
on fait nos adieux...
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